Un appel audacieux à la justice : les paroles du Président ghanéen en faveur des réparations trouvent un écho à l’ONU

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Nations Unies, New York – Dans un discours puissant et passionné prononcé lors de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, le Président Nana Addo Dankwa Akufo-Addo du Ghana a lancé un appel pour que des réparations soient versées à l’Afrique pour les siècles de souffrance et d’exploitation endurées à l’époque de la traite transatlantique des esclaves. Le discours du Président, prononcé le 20 septembre 2023, résonnait avec sa ferme conviction qu’il est temps pour le monde de faire face aux injustices historiques et aux déséquilibres économiques découlant de cette période sombre de l’histoire. Le Président Akufo-Addo a commencé son discours en reconnaissant les défis mondiaux et l’érosion de la confiance dans les institutions internationales, appelant à une solidarité renouvelée entre les nations pour accélérer les progrès vers l’Agenda 2030 et ses objectifs de développement durable (ODD). Il a souligné le besoin urgent de réformes au sein des Nations Unies, en particulier au sein du Conseil de Sécurité, pour restaurer sa crédibilité face aux problèmes mondiaux.

Le Président a exprimé sa déception quant au fonctionnement du Conseil de sécurité, où il a noté que les grandes puissances donnent souvent la priorité à leurs propres intérêts plutôt qu’au bien-être de l’humanité. Il a appelé à la réforme du Conseil de sécurité, soulignant la demande de longue date de l’Afrique pour une représentation équitable et la nécessité de corriger le déséquilibre structurel existant.

Le Président Akufo-Addo a souligné l’importance cruciale de rétablir la confiance dans la communauté internationale, citant le conflit en cours en Ukraine comme exemple de l’incapacité des Nations Unies à influencer les événements lorsque les pays disposant de leur droit de veto donnent la priorité à leurs intérêts. Il a exhorté la communauté internationale à soutenir les organisations régionales et continentales africaines dans la résolution des conflits sur le continent.

 

Tournant son attention vers l’Afrique de l’Ouest et la région du Sahel, le Président a souligné les défis posés par l’instabilité et le terrorisme. Il a souligné l’importance de la solidarité et du soutien internationaux pour créer des sociétés pacifiques et prospères en Afrique de l’Ouest et réduire la migration des jeunes vers l’Europe. 

 

Cependant, la partie la plus significative et la plus novatrice du discours du Président Akufo-Addo était centrée sur l’appel aux réparations pour la traite transatlantique des esclaves. Le Président a fait valoir que les injustices historiques de cette entreprise inhumaine, qui a transporté de force des millions d’Africains vers les Amériques et les Caraïbes, continuent de façonner les structures économiques mondiales.

 

Le Président Akufo-Addo a souligné que lorsque l’esclavage a été aboli, les propriétaires d’esclaves ont été indemnisés pour la perte de leurs « propriétés », tandis que les esclaves africains n’ont reçu aucune compensation pour leur travail et leurs souffrances. Il a appelé à des réparations pour reconnaître les atrocités du passé et réparer les bénéfices économiques tirés de la traite transatlantique des esclaves.

 

Dans un geste significatif, l’Union Africaine (UA) a autorisé le Ghana à accueillir une conférence mondiale sur la question des réparations en novembre à Accra. Cette Conférence pourrait marquer un tournant dans le discours international sur les réparations et la justice pour les torts historiques.

 

Le Président a également abordé la question des flux financiers illicites hors d’Afrique, faisant référence à un rapport présidé par l’ancien Président sud-africain Thabo Mbeki. Il a appelé au retour des fonds perdus à cause de ces flux, soulignant l’incohérence de conserver ces fonds dans les pays bénéficiaires tout en qualifiant les pays d’origine de corrompus.

 

Le Président Akufo-Addo a conclu son discours en reconnaissant les défis rencontrés pour atteindre les ODD et la nécessité d’une action accélérée. Il a réitéré qu’un changement significatif ne pourrait se produire que si les structures des organisations internationales étaient réformées.

 

En résumé, le discours du Président Akufo-Addo à l’Assemblée générale des Nations Unies en 2023 restera probablement dans les mémoires pour son appel passionné à des réparations pour la traite transatlantique des esclaves et son plaidoyer en faveur d’un ordre mondial plus juste et équitable. Il reste à voir comment la communauté internationale répondra à cet appel audacieux et historique, mais il ajoute sans aucun doute une dimension significative au débat mondial en cours sur la justice réparatrice.

 

Voir le discours complet ci-dessous : S.E Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, Président de la République du Ghana. Assemblée générale des Nations UniesNations Unies, New York20 septembre 2023

 

 


Le Ghana vous présente ses compliments, Monsieur le Président, et vous félicite pour votre élection à la présidence des séances de la 78e session de l’Assemblée générale. Je n’ai pas besoin d’employer d’hyperbole, ni de trouver de mots fantaisistes pour exprimer la réalité de la situation à laquelle l’humanité est actuellement confrontée. Notre monde n’est pas un endroit heureux aujourd’hui. Où que nous regardions et quel que soit le domaine de notre vie vers lequel nous tournons notre attention, on constate le mécontentement, la méfiance et la perte de confiance dans les structures qui ont guidé la gouvernance du monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, près de huit (8) il y a des décennies.

 

Monsieur le Président, le thème choisi pour cette réunion est « Reconstruire la confiance et raviver la solidarité mondiale : accélérer l’action sur l’Agenda 2030 et ses objectifs de développement durable vers la paix, la prospérité, le progrès et la durabilité pour tous ».

 

 

Le choix du thème implique qu’il existe une reconnaissance générale du fait que les choses ne sont pas ce qu’elles devraient être dans notre monde. La confiance mutuelle entre les nations, nécessaire pour garantir l’harmonie, a considérablement diminué. La cohésion dont nous avons besoin pour construire la paix et la prospérité de nos sociétés se désintègre et se rapproche des niveaux les plus bas de la Guerre froide. Nous ne semblons pas avoir de valeurs communes sur lesquelles nous pourrions tous nous mettre d’accord, ni d’objectifs communs auxquels nous aspirons tous. Les lignes de fracture ne se situent pas seulement entre les pauvres et les riches, ou entre le sud et le nord, ou entre les mondes développés et en développement ; même au sein des pays riches et bien établis, les tensions sur le commerce, le climat, les frontières politiques et les sphères d’influence géopolitiques sont palpables. Des définitions établies de longue date sont remises en question, et des vérités et croyances sacrées sont remises en question ou carrément rejetées et, dans certains cas, la diffusion délibérée de contre-vérités flagrantes est devenue acceptable. Cette organisation, les Nations Unies, sous les auspices de laquelle nous, les nations du monde, sommes réunis pour l’examen annuel de la situation mondiale, a été créée avec la conviction que notre humanité commune serait la considération primordiale dans le traitement des problèmes qui, invariablement, surgissent lorsque nous traitons les uns avec les autres. Il ne fait aucun doute que l’organisation a accompli beaucoup de choses au cours de ses soixante-dix-huit (78) années d’existence, dont nous pouvons tous, à juste titre, être fiers. Mais il est également vrai que la réticence des nations, qui étaient les principales puissances lors de la création de l’organisation, à accepter une quelconque réforme reflétant les réalités actuelles a conduit à miner la crédibilité de l’ONU et de certains de ses organes, en particulier le Conseil de sécurité. Le Ghana accomplit actuellement le deuxième de son mandat de deux ans au Conseil de sécurité en tant que membre non permanent. C’est la troisième fois en soixante-six (66) ans depuis que nous avons rejoint l’ONU, première nation africaine postcoloniale à le faire, que nous avons le privilège de siéger au Conseil. Monsieur le Président, cela a été une expérience triste et décevante pour nous. Nous avons été témoins, à maintes reprises, que les grandes puissances des Nations Unies prêchent peut-être la démocratie, l’équité et la justice dans le monde entier, mais sont heureuses de pratiquer le contraire ici à l’ONU, en donnant la priorité aux intérêts de clocher plutôt qu’à ceux des autres, de l’humanité.  En 2017, la première fois que je me suis adressé à l’Assemblée générale en tant que Président de mon pays, j’ai longuement parlé de la nécessité d’une réforme de l’ONU et du Conseil de sécurité en particulier.

J’ai alors dit que la nécessité urgente de réformer cette Organisation était évoquée et programmée depuis longtemps, mais que, d’une manière ou d’une autre, nous n’avions jamais trouvé le courage ni la volonté de la mettre en œuvre. J’ai alors dit que le Ghana soutenait la réforme de l’ONU, en particulier du Conseil de sécurité, telle qu’énoncée dans la Position commune africaine sur la réforme de l’ONU, basée sur le Consensus d’Ezulwini.

Monsieur le Président, j’ai alors dit qu’il était grand temps de corriger l’injustice de longue date que représente la structure et la composition actuelles du Conseil de sécurité de l’ONU pour les nations d’Afrique. Après avoir siégé au Conseil en cette période difficile que traverse le monde, notre point de vue sur la nécessité d’une réforme a été encore plus fortement réaffirmé.

 

 

Nous ne pouvons pas continuer à prêcher la démocratie, l’égalité et la bonne gouvernance partout dans le monde ; nous ne pouvons pas insister sur la paix et la justice dans le monde alors que notre organisation mondiale est considérée par la majorité de ses membres et par les peuples du monde comme entravée par une structure injuste et injuste. Monsieur le Président, l’Assemblée a, à juste titre, choisi le rétablissement de la confiance comme étant essentiel au rétablissement de la stabilité et de la prospérité dans notre monde. Nous ne pouvons pas reconstruire cette confiance lorsque l’organisation qui devrait nous lier est considérée par beaucoup comme contribuant à perpétuer un ordre mondial injuste, renforcé par une architecture financière mondiale inéquitable et dysfonctionnelle. Monsieur le Président, depuis un an et demi, une guerre à grande échelle est menée au centre de l’Europe ; les Nations Unies ne semblent pas vouloir ou incapables d’influencer les événements qui se déroulent en Ukraine. Le Ghana a siégé au Conseil de sécurité tout au long de cette période et peut témoigner que la solidarité mondiale que nous cherchons à raviver sous l’égide de l’ONU ne se produira que si et quand cela convient à ceux qui détiennent le puissant pouvoir de veto. Et pour l’instant, rien n’indique que ces pays aient un intérêt ou une volonté de le faire. Le Ghana continue de croire que cette Organisation constitue le meilleur instrument permettant au monde de gérer ses problèmes hydriques, mais elle ne pourra fonctionner efficacement et répondre à nos attentes que lorsque nous réformerons les piliers sur lesquels elle repose ; tout ce qui ne va pas au-delà continuera à miner sa crédibilité. Monsieur le Président, je ne fais pas référence aux événements en Ukraine et je cherche à faire semblant d’ignorer les événements tragiques qui se produisent dans mon voisinage, l’Afrique de l’Ouest et le Sahel. L’instabilité au Sahel et les activités terroristes généralisées ont soumis les pays d’Afrique de l’Ouest à de graves pressions politiques et économiques. Plusieurs pays de la région ont perdu de vastes étendues de territoire au profit des terroristes déchaînés. Les coups d’État sont réapparus comme ce que certains espéraient à tort être la solution aux menaces qui pèsent sur leurs nations. Nous, dans la région de l’Afrique de l’Ouest, essayons de notre mieux, dans les conditions très difficiles auxquelles nous sommes confrontés, de faire face à la situation. Nous sommes convaincus que les conflits qui continuent de tourmenter notre continent et notre région en particulier seraient résolus de manière plus satisfaisante si la communauté internationale soutenait, et non sapait, les efforts de nos organisations régionales et continentales pour y faire face. Les Africains ont combattu et sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale pour défendre l’Europe et ses alliés, qui ont remis le monde sur la voie de la paix et de la prospérité dont leurs nations et leurs citoyens bénéficient depuis des décennies maintenant. Il est sûrement temps pour le monde de rendre la pareille en ces temps difficiles. Monsieur le Président, au Ghana, nous restons fermement convaincus que la démocratie est la meilleure voie pour construire la nation prospère qui est notre objectif. En effet, les dividendes économiques qu’un grand nombre de nos citoyens attendaient à juste titre du processus démocratique ne sont pas arrivés aussi rapidement que prévu, mais nous sommes déterminés à maintenir le cap parce que nous pensons qu’en fin de compte, il réussira.

Nous devons également accepter, pour la première fois dans l’histoire récente de l’humanité, non seulement la remise en question de la démocratie et une campagne délibérée de désinformation contre la démocratie, mais aussi la propagation d’un régime autoritaire comme voie plus rapide vers le progrès économique. La croyance des jeunes dans la démocratie comme modèle de gouvernance le mieux adapté pour construire la paix et la prospérité dans notre société est systématiquement attaquée.

 

L’impact économique de la pandémie de COVID-19 et l’impact de la guerre en Ukraine n’ont fait qu’ajouter à la pression et à l’anxiété de nos jeunes.

 

Nous pouvons certainement aussi nous passer des sommes énormes que nous consacrons actuellement à la sécurité, en particulier à nos frontières septentrionales.

Malheureusement, à l’heure actuelle, nous ne ressentons aucun sens de la solidarité internationale que nous pensons devoir bénéficier. Il est certainement dans l’intérêt du monde entier que l’Afrique de l’Ouest soit pacifique et prospère. Nous voulons que nos jeunes fassent partie d’une Afrique de l’Ouest pacifique et prospère, plutôt que de faire partie des milliers de jeunes qui arrivent dans une Europe peu accueillante après de périlleux voyages à travers le Sahara et la mer Méditerranée.

Monsieur le Président, nous ne cherchons pas à nous soustraire à toute responsabilité dans les problèmes auxquels nous sommes confrontés et qui sont de notre propre initiative, et il convient de répéter que nous n’avons pas soif de sympathie et que nous ne voulons pas être une cicatrice sur la conscience de qui que ce soit. Mais nous ne pouvons pas, et le monde ne doit pas prétendre que les conditions économiques et sociales actuelles de l’Afrique n’ont rien à voir avec les injustices historiques qui ont façonné les structures du monde. Il est temps qu’une grande partie de l’Europe et des États-Unis se construisent à partir des immenses richesses récoltées grâce à la sueur, aux larmes, au sang et aux horreurs de la traite transatlantique des esclaves et des siècles d’exploitation coloniale. Peut-être devrions-nous également admettre qu’il n’est pas facile de construire des sociétés confiantes et prospères à partir de nations qui, pendant des siècles, ont vu leurs ressources naturelles pillées et leurs peuples commercialisés comme des marchandises à reconnaître. Pendant des siècles, le monde a été réticent et incapable de faire face aux réalités des conséquences de la traite négrière, mais peu à peu la situation est en train de changer et il est temps de mettre résolument le sujet des réparations au premier plan. Certes, ce ne sont pas les générations actuelles qui se sont engagées dans la traite négrière, mais cette grande entreprise inhumaine a été parrainée et délibérée par l’État, et ses bénéfices sont clairement liés à l’architecture économique actuelle des nations qui l’ont conçue et exécutée.

Des réparations doivent être payées pour la traite négrière. Aucune somme d’argent ne compensera jamais ces horreurs, mais cela montrerait que le mal a été perpétré, que des millions d’Africains productifs ont été arrachés à l’étreinte de notre continent et mis au travail dans les Amériques et dans les Caraïbes sans compensation pour leurs efforts et leur travail.

 

S’il y a des hésitations dans certains esprits sur le paiement des réparations, cela vaut la peine, car, lorsque l’esclavage a été aboli, les propriétaires d’esclaves ont été indemnisés pour la perte des esclaves, car les êtres humains étaient étiquetés comme des biens, considérés comme des marchandises. C’est certainement une question à laquelle le monde doit faire face et ne peut plus l’ignorer. L’UA a autorisé le GHANA à tenir une conférence mondiale sur la question en novembre à Accra. C’est probablement aussi le moment de revenir sur le sujet épineux des flux financiers illicites hors du continent africain. Je fais référence au rapport du groupe présidé par le très respecté ancien président sud-africain, Thabo Mbeki, sur les flux illicites de fonds en provenance d’Afrique, qui indique que l’Afrique perd chaque année plus de quatre-vingt-huit milliards de dollars des États-Unis (88 milliards de dollars) par le biais de sorties financières illicites. Oui, cet argent doit également être restitué au Continent. Il est difficile de comprendre pourquoi les pays bénéficiaires se contentent de conserver de tels fonds et se contentent de qualifier de corrompus les pays d’où proviennent ces fonds. Je pense qu’un groupe de travail conjoint de la Commission de l’Union africaine et du Secrétariat de l’OCDE, sous les auspices de l’ONU, devrait être chargé de trouver des moyens de mettre un terme à ces flux sortants préjudiciables.
Monsieur le Président, avant la pandémie, nous, comme beaucoup d’autres régions du monde, faisions des progrès dans la réalisation des dix-sept (17) ODD, et nous avions de bonnes raisons de croire que nous atteindrions l’objectif de 2030.

 

 

Aujourd’hui, le bilan de notre performance n’est pas très brillant. La plupart des vingt et un (21) objectifs désignés pour être atteints d’ici 2020 n’ont pas été atteints, et nous ne sommes pas en bonne voie pour atteindre de nombreux autres objectifs d’ici 2030. Selon le rapport sur les ODD de 2023, seulement douze pour cent (12 %) des cibles des ODD sont en passe d’être atteintes. Les progrès sur cinquante pour cent (50 %) des objectifs sont faibles. Le plus décevant est que nous avons bloqué ou reculé de plus de trente pour cent (30 %) des objectifs. Nous devons accélérer l’action sur l’ensemble du projet.

 

Avoir Monsieur le Président, il est dans nos capacités de renverser la situation. Un bon début serait d’apporter les changements nécessaires aux structures de notre organisation ; nous pourrons alors rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale. Merci pour votre attention.

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